Troubles neuromoteurs, fourmillements, AVC… Les ravages de la consommation du protoxyde d’azote sur la santé

https://www.bfmtv.com/sante/troubles-neuromoteurs-fourmillements-avc-les-ravages-de-la-consommation-du-protoxyde-d-azote-sur-la-sante_VN-202311090236.html

Une nouvelle campagne de sensibilisation sur les effets du protoxyde d’azote, appelé également « le gaz hilarant », voit le jour en Île-de-France et dans les Hauts-de-Seine. Le but est d’alerter sur les risques sur la santé que ce gaz peut avoir. 

Alerte sur les dangers du gaz hilarant : « Une personne a fini paralysée »

Brûlures, mais aussi difficulté à marcher – au point de devoir parfois recourir à un déambulateur -, voire problèmes cardiaques : une forte consommation de protoxyde d’azote ou gaz hilarant, dont l’usage s’est répandu parmi les publics jeunes, peut entraîner des troubles parfois graves. Le jeune homme qui se confie face aux caméras de TF1 dans la vidéo du 20H ci-dessus peut en témoigner. Ce qu’il considérait comme un jeu a bien failli lui coûter très cher. 


Le gaz hilarant est la nouvelle drogue en vogue chez les ados et les jeunes adultes. On savait que le fait de l’inhaler était nocif pour la santé. Désormais, les médecins alertent sur les séquelles irréversibles liées à sa consommation.

Brûlures, mais aussi difficulté à marcher – au point de devoir parfois recourir à un déambulateur -, voire problèmes cardiaques : une forte consommation de protoxyde d’azote ou gaz hilarant, dont l’usage s’est répandu parmi les publics jeunes, peut entraîner des troubles parfois graves. Le jeune homme qui se confie face aux caméras de TF1 dans la vidéo du 20H ci-dessus peut en témoigner. Ce qu’il considérait comme un jeu a bien failli lui coûter très cher. 

Alors lycéen, il en a consommé pendant des mois, presque quotidiennement, jusqu’au jour où il ressent une paralysie partielle et se met à avoir des hallucinations. « Au début, ça nous faisait surtout rire, jusqu’au moment où j’ai vraiment eu une barre qui est venue du haut de mon épaule gauche jusqu’au bas de mon épaule droite, et en fait je me suis dit que là, ça devait vraiment être grave. Je savais que mon corps était là, mais je voyais cette chose de l’extérieur et c’était une situation horrible parce que je n’avais plus vraiment l’impression de maîtriser ce qui se passait », raconte-t-il. Autour de lui, les cas de complications sévères se multiplient. « On a connu une personne qui a fini totalement paralysée », ajoute-t-il.

Ce gaz, inhalé à l’aide d’un ballon, utilisé médicalement comme antidouleur ou anesthésiant, crée une forte dépendance. Consommé régulièrement ou à fortes doses, ses effets sont dévastateurs« Ça vient toucher essentiellement la moelle épinière et c’est une zone qui est clé pour l’équilibre et pour la sensibilité. C’est pour ça que ces patients se plaignent principalement de troubles de l’équilibre et de troubles de la sensibilité. Ça a aussi un effet toxique pour les nerfs, donc on observe des patients qui ont des difficultés pour bouger les pieds et le relever. Et parfois, ça vient même toucher la myéline au niveau du cerveau avec des patients qui ont des troubles de la mémoire ou des hallucinations », détaille le docteur Thierry Gendre.

Ce neurologue à l’hôpital Henri Mondor à Créteil reçoit en moyenne un patient par semaine intoxiqué au protoxyde d’azote, c’est quatre fois plus que l’an dernier et ils sont très jeunes. « Ça va de 18 à 35 ans pour le plus âgé. Il y a des patients qui vont être handicapés à cause de cela et comme l’usage est en forte augmentation, on risque d’avoir de plus en plus de jeunes qui consultent et qui gardent des séquelles de l’utilisation de ce produit-là », met-il en garde. 

La situation est encore plus alarmante dans le Nord, premier département touché par les intoxications au gaz hilarant. On compte entre 3 et 4 hospitalisations chaque semaine au CHU de Lille. Ce qui a poussé des médecins et des chercheurs à créer une cellule spécialisée il y a quelques jours. « On observe de nouvelles conséquences cliniques qu’on n’avait pas forcément observées avant et on essaie de comprendre pour mieux prévenir et soigner. On a décrit par exemple quelques cas de thromboses chez des patients consommateurs de protoxyde d’azote. Donc aujourd’hui, on pense qu’il y a un lien entre cette consommation et certains caillots qui se forment chez des patients », indique Guillaume Grzych, biologiste médical. 

N’étant pas considéré comme un stupéfiant, le protoxyde d’azote reste facilement accessible dans les supermarchés et sur internet. Seule la vente aux mineurs est interdite depuis mai 2021.

Protoxyde d’azote: au moins 300 intoxications répertoriées en 2022 en métropole lilloise

https://www.lavoixdunord.fr/1372058/article/2023-09-12/protoxyde-d-azote-au-moins-300-intoxications-repertoriees-en-2022-en-metropole

Extrait de la Voix du Nord du 12 septembre 2023

 » Arômes fraise, noix de coco, myrtille ? Vous avez l’embarras du choix non seulement pour le goût mais également pour le conditionnement. On peut acheter des palettes entières si on en a envie. » En deux clics, le Dr Guillaume Grzych, maître de conférences à l’Université de Lille, fait le tour d’une épicerie virtuelle où « tanks » et autres bonbonnes ont remplacé les capsules individuelles de protoxyde d’azote. « Vous pouvez obtenir l’équivalent de 400 à 600 fois une dose individuelle. D’ailleurs, on retrouve de moins en moins de capsules dans la nature. Ce qui pourrait faire croire à tort que le phénomène a disparu…  »

Une hallucination. La consommation de « proto » explose en France sans réelle prise de conscience de la part des pouvoirs publics. « Ce site vous indique même comment vous faire de l’argent en vendant ce produit qui n’est pas classé comme stupéfiant  » mais dont la consommation n’est pas sans dangers.

Des syndromes irréversibles

« Près de 300 personnes, majoritairement jeunes, sont passées en consultation aux urgences du CHU de Lille, à Roubaix ou à Saint-Philibert en 2022 après une intoxication.  » Parmi elles, une dizaine d’états thrombotiques, des syndromes comparables et parfois irréversibles à ceux d’une sclérose en plaques, de graves atteintes neurologiques, des brûlures dont certaines étonnantes… « Par le froid et au niveau des cuisses, là où on place la bonbonne. Le consommateur, qui est dans un état second, ne se rend pas compte de ce qui lui arrive.  »

Que la partie visible du ballon. « On sous-estime également fortement le nombre d’accidents de la circulation qui sont dus à ce phénomène.  » Une affaire récente jugée par le tribunal de Lille illustre le propos. Un automobiliste de 23 ans avait mobilisé cinq équipages de police dans une course-poursuite. Il conduisait malgré une suspension de permis, défoncé au protoxyde d’azote. Quatre bonbonnes ! « Il a tout inhalé pendant la course-poursuite. Il en avait de la mousse au coin des lèvres  », précisera son avocate.

Future collaboration avec la Sécurité routière

« Nous comptons mettre en place en 2024 une collaboration avec la Sécurité routière et travailler sur le développement d’outils de dépistage  », poursuit Guillaume Gryzch. « Aux Pays-Bas, le nombre d’accidents de la route imputés au protoxyde d’azote est passé de 2 600 en 2019 à 4 800 en 2021.  »

La France n’échappe pas à la poussée même si les indices se font indirects. « 45 % des détenus interrogés avouent avoir déjà pris ce produit  » et 15 % à 20 % de la population française s’y serait adonnée au moins une fois. « Ce chiffre atteint les 39 % au Royaume-Uni !  » Le « proto », fléau sanitaire et routier, mobilise aujourd’hui de plus en plus de filières médicales (lire par ailleurs). Mais aucune campagne de prévention digne de ce nom ne s’oppose au « marketing énorme véhiculé sur les réseaux sociaux… C’est le produit à la mode  ».

Les Lillois à la tête d’un groupe de travail européen

Mettre en place un véritable parcours de soins pour les patients ; former et informer les professionnels de santé sur les symptômes et les modalités de prise en charge ; poursuivre les efforts de recherche… Voilà ce qui est en train d’évoluer au plan médical lorsqu’on évoque la question des intoxications liées au protoxyde d’azote dont, par ailleurs, on ne mesure pas les effets sur le long terme. Avec peu de moyens mais avec le soutien de l’Agence régionale de santé (ARS), la filière protoxyde lilloise basée au centre de biologie et de pathologie du CHU de Lille, a gagné ses galons. « Elle s’est étendue à la région, puis au plan national où nous nous sommes organisés en disciplines et en groupes de travail  », poursuit Guillaume Grzych, également biologiste médical.

Obsolète

La publication de nombreux articles scientifiques a assis la réputation de cette équipe au point que le Lillois dirige désormais un groupe de travail européen dont l’une des priorités est d’harmoniser les recommandations. Un véritable défi car les 300 personnes intoxiquées en 2022 et passées par différents services d’urgence ne constituent que la partie visible de l’iceberg… Guillaume Grzych rappelle que, pour le moment, « le seul cadre légal est celui de l’interdiction de vente aux mineurs  ». Que l’arrêté prévu en 2024 semble au minimum flou et tardif. « Il vise les modes de consommation d’il y a deux ans. Or, nous sommes passés des capsules aux tanks.  » Face au protoxyde d’azote, il convient de sortir l’artillerie lourde.

Une journée d’information sera organisée le 30 novembre prochain à l’Institut Gernez-Rieux. Ouverte à tous sur réservation à filiereprotoxyde.fr

Le juteux business du gaz hilarant, une “activité presque banale” sur les réseaux sociaux

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Extrait de Telerama – 25 Juin 2023

Le protoxyde d’azote fait toujours plus de ravages en France, auprès des jeunes en particulier, grâce à un trafic “ubérisé” sur Snapchat, Telegram ou Facebook, échappant ainsi au contrôle des autorités.

20€ Cream Deluxe, 20€ FastGas, Tank Cream Deluxe 70€. Lundi-Vendredi : 18h00-06h00 et week-end : 24h / 24 ». Sur l’application Snapchat, ces petites annonces cryptiques circulent par dizaines. Tous les jours, des comptes aux noms génériques — « Ballons », suivi d’un code postal ou d’un nom de ville — publient ces messages en story, sous forme de photos ou vidéos qui s’effacent après vingt-quatre heures. Depuis plusieurs années, et surtout à partir de 2019, le trafic de protoxyde d’azote, aussi appelé gaz hilarant car il provoque des éclats de rire immédiats, a envahi la plateforme, très populaire auprès des jeunes…

Une équipe du CHU de Lille s’engage dans la prévention contre l’utilisation dangereuse du protoxyde d’azote par les jeunes

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Le protoxyde d’azote ou gaz hilarant est détourné de son utilisation première pour provoquer une euphorie passagère. Un usage qui s’est développé en particulier chez les jeunes qui n’en connaissent souvent pas les conséquences irréversibles. Un collectif médical s’est créé à Lille pour mieux traiter ce phénomène. Une première en France.

Le protoxyde d’azote, que l’on appelle également « proto » ou « gaz hilarant », est à l’origine utilisé dans le secteur alimentaire pour la confection de chantilly en siphon. Il est également employé comme anesthésiant (le MEOPA) dans le cadre médical.  

Ce gaz contenu dans des petites capsules, que l’on trouve en vente libre pour les siphons à chantilly, peut cependant être aussi injecté dans un ballon de baudruche puis inhalé. Il a alors le pouvoir de provoquer instantanément une euphorie de deux à trois minutes.  

En témoignent les capsules que l’on trouve en nombre le long des trottoirs ou sur les pelouses des parcs urbains. Cet usage récréatif, depuis quelque temps déjà, est un vrai phénomène auprès des adolescents et lycéens, avides de vivre un bref instant euphorisant. Mais ont-ils pour autant conscience des effets dévastateurs de ce gaz ?

Des effets qui peuvent être irréversibles  

Altération de l’équilibre, tétraplégie temporaire, pour le Docteur Grzych, Maitre de Conférences des Universités et métabolicien au CHU de Lille, les effets de ce gaz sont sans appel : « ce gaz hilarant peut avoir des conséquences dramatiques. Le Protoxyde d’azote est une molécule très oxydante. Sa consommation massive et chronique entraîne l’inactivation de la vitamine B-12 essentielle au bon fonctionnement de notre moelle osseuse et épinière, les conséquences peuvent être, la perte de contrôle (notamment en voiture), l’apparition de thrombose, jusqu’à des complications motrices, entraînant une paralysie, qui nécessite l’usage d’un fauteuil roulant, et ce, de manière irréversible ».

Cette consommation massive s’explique également car les premiers symptômes sont souvent bénins et donc non alarmants (effet euphorisant). Des effets immédiats et brefs, qui conduisent les usagers à une consommation répétitive. L’effet de mode, le prix bas, l’accessibilité du produit sont également autant de raisons qui justifient cet engouement des jeunes pour le protoxyde d’azote. 

Un véritable marché  

À cela s’ajoute l’hypocrisie de certains industriels. Le Docteur Grzych, le note : « Avant, on comptait les cartouches dans une soirée ; maintenant, on compte les bonbonnes. » Et pour cause, des industriels commercialisent aujourd’hui sur leur site des bonbonnes pouvant contenir l’équivalent de 100 capsules.  

Pire, sur ces sites commerciaux, la vente de ces bombonnes se conjugue avec une iconographie, mettant en avant une ambiance festive avec alcool et tabac. On est très loin d’un gaz permettant la fabrication d’un gâteau à la chantilly. Ces sites vont même jusqu’à vous proposer d’être grossiste revendeur.

Le problème explique le Docteur Grzych, est que « la commercialisation de ces bonbonnes, minimise la consommation. Lorsqu’ils utilisent plusieurs petites capsules, les jeunes peuvent visuellement prendre conscience de la quantité absorbée. L’usage d’une seule bonbonne, enlève tout discernement quant à la quantité absorbée (alors qu’ils consomment en réalité une centaine de capsules d’un coup). » Ce conditionnement favorise indéniablement une surconsommation.

Pris à temps et la consommation de ce gaz stoppée immédiatement, on peut par un traitement mis en place rapidement, soigner le patient. Mais si la consommation perdure, les séquelles sont irréversibles. D’où la nécessité de porter le bon diagnostic et le plus rapidement possible. 

Prévenir pour freiner la consommation  

C’est une des principales difficultés à laquelle sont confrontés les médecins : porter le bon diagnostic. L’usage du protoxyde d’azote, présente également des effets chroniques, fourmillement ou trouble de la marche semblables par exemple à ceux de la sclérose en plaques.

Mieux former les médecins, pour un diagnostic pointu et plus rapide, c’est l’un des objectifs du collectif médical, mis en place par le Docteur Grzych, la neurologue Céline Tard, et l’addictologue Sylvie Deheul, au CHU de Lille avec le soutien de l’ARS des Hauts-de-France.

Ce  collectif de médecins rassemble également des biologistes et des cardiologues afin de créer une synergie de groupe, pour partager les protocoles mis en place par les différents praticiens. Objectif : proposer ainsi la meilleure prise en charge pour le patient.

L’objectif est également de mieux comprendre les effets du protoxyde d’azote sur l’organisme. En cherchant notamment les nouveaux marqueurs sanguins, afin de déterminer de nouveaux traitements.Guillaume Grzych

Métabolicien au CHU de Lille

L’objectif de ce collectif, précise le Docteur Grzych, « est également de mieux comprendre  les effets du protoxyde d’azote sur l’organisme. En cherchant notamment les nouveaux marqueurs sanguins, afin de déterminer de nouveaux traitements. Actuellement, on sait que la vitamine B12 peut aider à la récupération physique du patient, mais elle n’agit pas dans tous les cas. Certains patients consomment par exemple des compléments alimentaires enrichis en vitamine B12. Ceux-ci n’auront aucun effet si ils continuent en parallèle à inhaler le protoxyde d’azote, car rappelons-le, le gaz empêche la vitamine d’agir. »   

L’idée du collectif est de proposer :

  • une filière de soin personnalisée pour les patients,
  • comprendre la nature des complications liées aux altérations globales du métabolisme,
  • trouver des marqueurs de consommation et de complications, afin de proposer des thérapeutiques adaptées à chaque patient.

Autant de projets de recherche qui vont être initiés par ce collectif et pour lesquels l’équipe médicale tente actuellement d’obtenir des financements à travers des appels à projets nationaux et internationaux. Des projets de recherche qui seront notamment évoqués lors d’un congrès européen à Munich en avril prochain.

Face à l’ampleur du phénomène chez les jeunes, les praticiens s’étonnent de la difficulté des pouvoirs publics à réagir. Alors que l’usage détourné du protoxyde d’azote est grandissant, ils ne peuvent se résigner à un manque de connaissances concrètes et de préoccupations suffisantes pour en interrompre la consommation.

Point positif, la législation a été renforcée par l’adoption l’année dernière d’une nouvelle loi, portée par des élus du Nord.

L’objectif est également de mieux comprendre les effets du protoxyde d’azote sur l’organisme. En cherchant notamment les nouveaux marqueurs sanguins, afin de déterminer de nouveaux traitements.Guillaume Grzych

Métabolicien au CHU de Lille

L’objectif de ce collectif, précise le Docteur Grzych, « est également de mieux comprendre  les effets du protoxyde d’azote sur l’organisme. En cherchant notamment les nouveaux marqueurs sanguins, afin de déterminer de nouveaux traitements. Actuellement, on sait que la vitamine B12 peut aider à la récupération physique du patient, mais elle n’agit pas dans tous les cas. Certains patients consomment par exemple des compléments alimentaires enrichis en vitamine B12. Ceux-ci n’auront aucun effet si ils continuent en parallèle à inhaler le protoxyde d’azote, car rappelons-le, le gaz empêche la vitamine d’agir. »   

L’idée du collectif est de proposer :

  • une filière de soin personnalisée pour les patients,
  • comprendre la nature des complications liées aux altérations globales du métabolisme,
  • trouver des marqueurs de consommation et de complications, afin de proposer des thérapeutiques adaptées à chaque patient.

Autant de projets de recherche qui vont être initiés par ce collectif et pour lesquels l’équipe médicale tente actuellement d’obtenir des financements à travers des appels à projets nationaux et internationaux. Des projets de recherche qui seront notamment évoqués lors d’un congrès européen à Munich en avril prochain.

Face à l’ampleur du phénomène chez les jeunes, les praticiens s’étonnent de la difficulté des pouvoirs publics à réagir. Alors que l’usage détourné du protoxyde d’azote est grandissant, ils ne peuvent se résigner à un manque de connaissances concrètes et de préoccupations suffisantes pour en interrompre la consommation.

Point positif, la législation a été renforcée par l’adoption l’année dernière d’une nouvelle loi, portée par des élus du Nord.

Au CHU de Lille, un collectif de médecins « tire un signal d’alarme » face au protoxyde d’azote

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Le CHU de Lille se mobilise pour lutter contre la consommation de protoxyde d’azote. Un collectif de médecins travaille sur ce phénomène depuis le mois de mai 2021. Ce gaz, en vente libre, est inhalé par les jeunes pour ses effets euphorisants. Mais les conséquences peuvent être graves.

Attention, le protoxyde d’azote n’est pas un produit anodin. Le CHU de Lille met en garde les jeunes qui inhalent ce gaz contenu dans des capsules argentées ou des bombonnes colorées, et qui sert habituellement en cuisine, pour les syphons à chantilly. Il est très en vogue car il provoque quelques minutes d’euphorie, et fait « planer ». Mais ce gaz dit hilarant n’a rien d’une plaisanterie.

Un collectif a été créé, au printemps 2021 au CHU, regroupant une vingtaine de médecins de spécialités différentes. Son rôle : mieux prendre en charge les patients qui arrivent avec des atteintes de la moëlle épinière, et faire avancer la recherche sur ce phénomène récent. Le nombre de cas graves pris en charge au CHU de Lille est passé de 15 en 2019 à une cinquantaine aujourd’hui

Fourmillements, troubles de l’équilibre, voire paralysie

Guillaume Grzych, biochimiste métabolicien au CHU de Lille, tient à rappeler la réalité : « dans l’imaginaire collectif, on a l’impression que c’est très inoffensif, et que ça permet juste de faire la fête. Mais malheureusement, il y a des conséquences cliniques, même pour des patients qui consomment très peu : pertes de l’équilibre qui vont jusqu’à la paralysie. Ces troubles peuvent parfois être irréversibles, et on a des jeunes qui ont fini en fauteuil roulant« .

Trois à quatre cas graves par semaine

Au CHU de Lille, trois à quatre cas graves sont signalés chaque semaine. Récemment les médecins ont constaté une nouvelle conséquence possible de la consommation de protoxyde : des thromboses, des caillots de sang dans l’organisme, potentiellement mortels.

Sylvie Deheul, addictologue, fait partie de ce collectif de médecins. Elle constate également des mécanismes d’addiction, exactement comme pour les stupéfiants. « Il faut se méfier de ce produit« , assure-t-elle, « il y a des effets qui se mettent en place, et qu’on ne voit pas tout de suite, que ce soient les atteintes neurologiques, ou l’addiction, avec des gens en difficulté par rapport à cette consommation. On tire le signal d’alarme, parce qu’on voit de plus en plus de complications« .

Protoxyde vegan

Le problème, c’est que le protoxyde d’azote est en vente libre, à l’exception de la vente aux mineurs, interdite depuis une loi récente. Certains n’hésitent pas à développer ce marché lucratif, sur internet, en vendant des bombonnes qui font jusqu’à quatre kilos, avec un marketing particulièrement tourné vers les jeunes. Sur les étiquettes sont même écrites les mentions « vegan » ou « halal« . Avec parfois des opérations promotionnelles comme le Black Friday. De la drogue en soldes

La question du classement du protoxyde d’azote dans la liste des produits stupéfiants est clairement posée aujourd’hui.

Protoxyde d’azote : le gaz qui ne fait plus rire

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Lille – « Parler, conduire, marcher, tout est devenu difficile »: Vincent, un ambulancier lillois de 37 ans, a failli devenir paraplégique après avoir inhalé du protoxyde d’azote, ou « gaz hilarant », une substance à la popularité croissante, mais dont les effets sur la santé peuvent être destructeurs.

Je ne me rendais pas compte, on me disait: +Ne t’inquiète pas, il n’y a pas d’addiction+« , raconte ce jeune père, qui a commencé à consommer ce gaz début 2020, pendant une mauvaise passe et alors qu’il tentait de s’affranchir du cannabis.

« J’ai la haine contre ce produit dévastateur« , enrage-t-il aujourd’hui.

Facile à se procurer sur internet, le protoxyde d’azote est utilisé dans les siphons en cuisine, comme analgésique en médecine, et de plus en plus souvent à des fins récréatives.

Pendant des mois, Vincent –un nom d’emprunt– inhale chaque soir une bonbonne de 600 grammes, seul dans sa chambre.

En juillet dernier, il se retrouve « paralysé des membres inférieurs et des mains« .

« Le Samu m’a emmené en chaise roulante. J’ai été hospitalisé 10 jours« , raconte-t-il. Il découvre alors que la moitié de sa moelle épinière est sclérosée.

Brûlures, asphyxies mais aussi problèmes neurologiques, voire cardiaques ou psychiatriques: les cas de troubles graves liés à la consommation de « proto » ont explosé ces dernières années.

– Ballons de baudruche –

Après un premier cas grave en 2018, 15 sont signalés dans les Hauts-de-France en 2019, 25 en 2020 et 47 en 2021, selon l’addictologue Sylvie Deheul, pour qui ces chiffres montrent une « augmentation préoccupante« , mais restent en-deçà de la réalité.

Au niveau national, environ 200 cas préoccupants ont été signalés rien qu’en 2020.

Grâce à la rééducation, Vincent a recommencé à marcher, mais il souffre toujours de fourmillements incessants, de pertes de mémoire et de faiblesse musculaire.

Il devrait rester sous traitement anti-douleur « au moins pendant les 10 ou 15 prochaines années« , assure-t-il. « J’ai tout arrêté. Mais un peu trop tard.« 

Après les capsules métalliques de 75g pour siphons détournées par des adolescents ou des fêtards pour une brève euphorie, depuis trois ans sont apparues des « bonbonnes » de 600g au marketing clairement festif, puis des « tanks » de plusieurs kilos, ouvrant la voie à une consommation intensive.

Les consommateurs remplissent des ballons de baudruche grâce à une sorte de buse installée au goulot du contenant, avant de les inhaler. Certains le consomment en posant un mouchoir directement sur le goulot, avec un risque accentué de brûlures par le gaz glacial.

– Répression limitée –

Les Hauts-de-France sont, avec l’Ile-de-France, l’une des régions les plus touchées.

Une loi adoptée en mai 2021 sur proposition d’une sénatrice du Nord, alertée par des maires de sa région, interdit la vente de ce psychotrope aux mineurs et sa commercialisation dans les débits de boissons et tabac. Mais la répression reste faible.

« On en est au début. Il faudra quelques décisions de justice pour se caler« , explique à l’AFP Benoît Aloé, chef de la sûreté urbaine de Lille, dont les équipes effectuent régulièrement des rappels à la loi.

Le trafic s’est organisé, comme en attestent des saisies importantes: plus de 15 tonnes en neuf mois en France, entre juin 2021 et février 2022, selon la police judiciaire.

En soirée, « c’est bien vu » de proposer du « proto » pour « emballer les filles« , explique le Dr Jean-Paul Guichard, qui intervient en prison dans des centres de dépistage gratuit. « Il ne laisse pas d’odeur, contrairement au cannabis et à l’alcool« , ce qui facilite selon lui la consommation par les femmes.

En prison, le médecin a rencontré un revendeur et consommateur aujourd’hui en fauteuil roulant, sans espoir de remarcher un jour, faute de prise en charge rapide.

L’homme s’était présenté aux urgences avec des troubles moteur, mais le lien avec ce produit n’était alors que peu connu. Il avait été orienté vers un neurologue pour un rendez-vous deux mois plus tard.

– « Troubles de l’érection » –

Pour mieux comprendre, soigner et prévenir les troubles liés à la consommation de « proto« , le CHU de Lille a lancé courant 2021 un groupe d’études pionnier.

Il rassemble neurologues, biologistes, métaboliciens, mais aussi psychiatres, addictologues ou pédiatres, qui échangent leurs expériences et lancent des pistes de recherches, notamment sur les effets à long terme.

« On ne sait pas toujours pourquoi certains ont des troubles après une consommation relativement faible« , indique le biologiste Guillaume Grzych. « Ni pourquoi un nombre croissant de consommateurs présentent des thromboses« , ces caillots sanguins qui bouchent des veines, avec risque d’embolie.

Arrivés aux urgences, « certains paraissent ivres, ne marchent plus droit« , explique le Dr Céline Tard, neurologue à l’hôpital de Lille. « Parfois ils doivent se tenir au mur » ou avancer avec un déambulateur.

« Il y a aussi des troubles de l’érection, de la mémoire« , ajoute la médecin. « On ne connaît pas encore toutes les conséquences de ce produit sur la santé.« 

Dans le laboratoire, le Dr Grzych s’interrompt pour répondre au téléphone: aux urgences, deux patients présentent des symptômes attribuables à la consommation de « proto« . Des confrères s’interrogent sur les analyses à effectuer.

Le CHU a mis au point un parcours de soin qui commence à être utilisé dans d’autres hôpitaux de la région, ainsi qu’en Normandie et en Bretagne.

Mais les médecins appellent en urgence à limiter la taille des contenants en vente libre et à interdire le conditionnement en bonbonnes.